À l’approche des élections municipales de mars 2026, la « période pré-électorale » suscite dans de nombreuses collectivités locales une fébrilité parfois démesurée. Dans une tribune à "La Gazette des communes", Farah Zaoui, consultante en prévention de la corruption et fondatrice du cabinet de conseil et de formation Probitas, démonte cinq idées reçues qui paralysent trop souvent les collectivités locales.
Du 15 au 22 mars 2026 se tiendront les élections municipales, et dans leur sillage, la fameuse « période pré-électorale », ouverte depuis le 1e septembre 2025. Depuis, dans bien des mairies et intercommunalités, on entend les phrases suivantes :
Le résultat ? Une anxiété croissante chez les agents comme les élus et un risque de paralysie qui n’est pas même exigée par le droit et qui poussé à son paroxysme, peut s’avérer contre-productif pour la continuité du service public.
Pour ne pas laisser la peur vous paralyser, voici 5 idées reçues à déconstruire.
Contrairement à une légende urbaine bien ancrée, la réserve n’est pas une nouveauté électorale. Les agents publics doivent l’observer tout au long de l’année, au même titre que le devoir de neutralité ou de réserve. Ce qui change en cette période, ce n’est pas l’obligation mais son niveau de vigilance. Il est nécessaire de renforcer les précautions préexistantes pour éviter toute confusion entre l’action publique et la campagne, la propagande et débat électoral.
Cette assertion est fausse. La communication institutionnelle est une composante essentielle du devoir d’information des collectivités territoriales. Informer les usagers sur les services les travaux, les démarches ou la vie locale reste tout à fait possible à condition d’opter pour un ton factuel et informatif. Ce qui est interdit relève de la communication assimilable à de la propagande électorale et de valoriser personnellement les élus. Le risque ne se situe pas dans la communication mais dans sa transformation en outil de promotion politique.
La période de réserve ne rime pas nécessairement avec l’arrêt des cérémonies, inaugurations ou manifestations publiques. Ces dernières sont risquées uniquement si elles prennent l’allure de meetings politiques ou qu’elles constituent une rupture brutale avec les pratiques préalablement observées en dehors des temps électoraux. Pour garantir leur légalité, la sobriété et la finalité de service public sont la boussole à rechercher avant d’envoyer les invitations.
La liberté d’opinion est un droit fondamental dont bénéficient les agents comme tout citoyen, y compris en période électorale. Toutefois, cet engagement doit rester strictement séparé de leur activité professionnelle pour respecter leur devoir de réserve et éviter toute confusion. De plus, l’utilisation des moyens du service, du temps de travail ou des supports institutionnels demeure interdite et est susceptible de constituer un détournement de fonds publics.
Cette croyance est sans doute la plus répandue. Une décision prise après le 1er septembre serait, par principe, entachée d’instrumentalisation électorale. En réalité, l’inaction peut s’avérer fautive si elle porte atteinte à la continuité du service public. Le véritable en jeu de se situe pas dans l’arrêt des chantiers par prudence excessive, mais par mieux justifier ce qui devrait déjà l’être en dehors de toute période d’élection.
Il y a là une opportunité pour renforcer la collégialité, sécuriser juridiquement les procédures et les actes, documenter les arbitrages et objectiver les décisions publiques.
La période pré-électorale n’est donc pas une parenthèse anxiogène : c’est un test de légalité et de maturité éthique et juridique des collectivités.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, David Amiel, a annoncé la mise en œuvre d’une « alerte prix » d’ici le printemps 2026. Un mécanisme qui doit permettre aux acheteurs d’effectuer un signalement en cas d’écarts de prix observés et un alignement en temps réel des centrales d’achat. Une annonce qui fait mouche mais qui, dans la pratique, laisse les acheteurs sceptiques.
« Si un acheteur public trouve moins cher ailleurs, à service égal et à qualité égale, l’Ugap s’alignera. » C’est la promesse formulée par David Amiel, ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, dimanche 14 décembre, sur Instagram. Grâce au dispositif « alerte prix » qui devrait être mis en place au premier trimestre 2026, les acheteurs pourront signaler en temps réel les écarts constatés sur le marché pour un ajustement rapide du catalogue. Cela devrait concerner les commandes supérieures à 80 euros, hors promotions exceptionnelles sur une période comparable, hors santé et véhicules, pour les produits strictement comparables.
Cette annonce, confirmée lundi 15 décembre à l’occasion des rencontres annuelles des achats de l’Etat, à Bercy, et qui a vocation à concerner toutes les centrales d’achat, intervient dans un contexte où l’Ugap fait l’objet de critiques récurrentes sur les prix pratiqués pour certains produits.
« Nous avons travaillé avec le ministère sur ce dispositif d’alerte afin montrer notre volonté en termes de transparence et éteindre la polémique qui anime le débat public, reconnaît Jérôme Thomas, directeur général adjoint de la centrale d’achat. Nous sommes sûrs de nos prix mais quand vous avez plus de 500 000 références en catalogue, il est impossible de l’être à 100%, à l’instant T. C’est donc un levier supplémentaire pour assurer la performance de nos prix. » Cela devrait concerner les fournitures administratives, micro-informatiques, courantes et le mobilier. Des typologies de produits sur lesquelles peuvent être constatés des prix ponctuellement un peu plus élevés.
Concrètement, un nouveau bouton devrait donc apparaître prochainement sur le site de l’Ugap afin de permettre aux clients d’effectuer leur signalement en temps réel. « Ils devront préciser la référence et la date où l’écart de prix a été observé, détaille Jérôme Thomas. A partir de là, nos équipes contacteront le client concerné pour poursuivre la qualification du différentiel et s’assurer qu’il s’agit de prestations équivalentes en termes de livraison, de garantie… Si l’écart de prix est confirmé, on fera en sorte qu’il soit corrigé. » Pour cela, l’Ugap affirme qu’elle ouvrira une discussion avec le fournisseur pour essayer d’obtenir une baisse du prix. Si c’est impossible, alors elle s’engage à suspendre la commercialisation de la référence. Le tout dans un délai d’une semaine.
Une intention « louable » selon les acheteurs, mais qui pose de nombreuses questions. « Je m’interroge fortement sur les modalités de mise en œuvre, déclare Laëtitia Philippon, cheffe de service commande publique et achats de la communauté d’agglomération Grand Paris sud Seine Essonne Sénart. Il faut savoir ce que l’on compare : les prix des centrales d’achat comprennent des prestations associées, du conseil, un service après-vente… j’ai du mal à percevoir comment on va faire, d’autant que nous n’avons pas de référentiel de prix par ailleurs. »
Malgré une proposition « dans l’air du temps », Pierre-Ange Zalcberg, avocat au sein du cabinet Nemrod Avocat, s’interroge pour sa part sur les effets d’une telle mesure pour l’ensemble des acteurs : « Pour les acheteurs, est ce que cela ne va pas systématiser les actions de traçabilité pour être sûr que vous avez saisi votre chance d’obtenir un moindre prix ? »
Septique, Arnaud Latrèche, vice-président de l’Association des acheteurs publics, l’est tout autant. « C’est illusoire de penser que demain une collectivité dira à une centrale d’achat : « voilà le prix de vente de votre concurrent, merci de vous aligner. Je n’y crois pas un seul instant ! Le fait que les prix en marchés publics soient plus élevés s’explique économiquement par les conditions contractuelles qui ne sont pas les mêmes. » Il voit aussi des effets néfastes potentiels pour les petites entreprises. « Lorsqu’elles constitueront leurs marchés, les centrales d’achat pourraient être tentées d’augmenter le poids de leurs critères prix au détriment de la qualité offerte par les PME qui ne sont parfois pas aussi compétitives que les grands groupes en termes financier. Cela aurait pour conséquence d’exclure ces petites entreprises des centrales. »
De son côté, l’Ugap pense pouvoir fournir un premier bilan d’exécution d’ici le début de l’été.
POUR ALLER PLUS LOIN
Alors que les députés examinent lundi 15 décembre 2025, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2030 dans les Alpes, un Conseil national de la montagne s’est tenu trois jours plus tôt à Paris. Au menu, l’avenir de territoires fragilisés par le changement climatique.

Qualifié « d’instance de trop », car doublonnant en quelque sorte avec les travaux de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), il avait été rayé d’un trait de plume le 24 mars 2025 par la commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique, à l’initiative du député (LIOT) des Vosges Christophe Naegelen. Et ce, avec l’assentiment du gouvernement. Rétabli dès le lendemain par l’exécutif, « sous la pression de parlementaires qui sont montés au créneau », s’empresse de préciser sa nouvelle vice-présidente, la députée (PS) de l’Isère Marie-Noëlle Battistel, le Conseil national de la montagne (CNM) s’est tenu vendredi 12 décembre à Paris. Avec un ordre du jour chargé au menu de ce « Parlement de la montagne » qui ne s’était pas réuni depuis près de trois ans.
Acte III
« Nos échanges m’ont permis d’affirmer l’importance de la montagne dans les politiques de l’Etat et de partager les points de vue autour de demandes émanant de différents acteurs », s’est félicitée la ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel. Au premier rang desquelles figurent les 43 « propositions concrètes » soumises par l’ANEM à l’exécutif.
Des mesures visant notamment à « accompagner ces territoires dans leur adaptation au changement climatique, couvrant les champs du tourisme, des risques naturels ou encore de l’urbanisme, à soutenir l’agriculture et la forêt et à adapter la présence de services publics aux spécificités locales ». Un corpus susceptible de trouver sa place dans un Acte III de la loi Montagne, avait insisté le président de l’ANEM et député (LR) de la Haute-Loire Jean-Pierre Vigier, le 26 novembre, en interpellant le gouvernement lors de la séance des questions d’actualité. [4]
« Faire le job »
Françoise Gatel lui avait répondu juger ces revendications « très intéressantes », assurant au parlementaire qu’elles étaient « en cours d’étude ». Elle ne s’est pas plus avancée sur un calendrier après la rencontre du 12 décembre, se contentant d’affirmer « y travailler très activement avec l’ensemble des protagonistes ».
Marie-Noëlle Battistel se montre raisonnablement optimiste. « On est un peu dans le même courant » qu’au début du quinquennat Hollande, lorsqu’un CNM avait été un moment d’impulsion vers un Acte II de la loi Montagne, observe-t-elle. Elle en avait alors été l’une des promotrices. « Mais force est de constater qu’il y a toujours besoin de remettre l’ouvrage sur le tapis, parce que ce qui est annoncé n’est pas respecté comme il se devrait », souligne-t-elle. En appelant les ministres à « faire le job, en mettant effectivement en œuvre ce qui est inscrit dans les textes ». Un grief majeur de l’ANEM est, en effet, que les lois Montagne de 1985 et 2016 ne sont pas appliquées à la lettre, faute d’en avoir publié des décrets.
S’adapter au changement climatique
« Comme tout territoire, la montagne évolue, et elle a, par conséquent, besoin d’adaptations », poursuit Marie-Noëlle Battistel. C’est le sens des Plans stratégiques d’adaptation au changement climatique (PACC) que chacun des cinq comités de massif est invité à élaborer par la loi Climat et Résilience de 2021, alors que la montagne subit un dérèglement climatique deux fois plus rapide qu’ailleurs, la rendant encore plus vulnérable. Ces documents visent à « anticiper les impacts à venir et définir des voies de diversification des activités économiques et touristiques face au réchauffement ». Alors que la montagne, « ce n’est pas seulement pour faire du ski, ce sont des territoires où les gens vivent », rappelle l’élue. A ce jour, les comités de massif des Pyrénées et du Massif central ont adopté le leur, respectivement en octobre 2023 et mai 2025. Les prochains sur la liste sont ceux des Vosges, du Jura et des Alpes. Ils sont annoncés dans les mois à venir.
Remis sur les rails, le prochain Conseil national de la montagne se réunira de nouveau en janvier, dans le cadre d’une commission permanente, puis sans doute en juin, en format plénier. Ses membres en espèrent en 2026 un texte de loi d’initiative gouvernementale ou parlementaire, alors transpartisan, ainsi que des mesures prises, elles, par voie réglementaire. Certaines pourraient l’être à travers les « méga-décrets » visant à simplifier la vie des élus locaux promis en novembre au Congrès des maires par le Premier ministre Sébastien Lecornu.
L’actualité de la montagne se concentrera toutefois d’abord, lundi 15 décembre, sur les Jeux olympiques et paralympiques de 2030 dans les Alpes, avec l’examen, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, du projet de loi qui leur est dédié… alors que les tensions se multiplient autour de l’événement, entre démission la semaine dernière de la directrice des opérations de son comité d’organisation et décision du département de la Savoie de suspendre sa participation au financement
POUR ALLER PLUS LOIN
Un projet de loi ouvrant la voie à une réouverture de l’expérimentation de l'été 2024, un autre qui devrait porter une disposition pour les collectivités… Après une séquence autour des Jeux de Paris finalement peu concluante, les partisans de la vidéosurveillance algorithmique cherchent à reprendre la marche en avant.
Est-ce la fin du creux de la vague pour les partisans de la vidéosurveillance algorithmique ? Après l’expérimentation menée lors des Jeux olympiques de Paris, une séquence finalement peu concluante, de nouvelles initiatives foisonnent en effet sur ce sujet. Laurent Nuñez, le ministre de l’Intérieur, vient ainsi d’annoncer dans nos colonnes vouloir porter dans un futur projet de loi dédié à la sécurité du quotidien une disposition pour généraliser la vidéosurveillance algorithmique dans les centres de supervision urbains (CSU).
Quant à la prolongation de l’expérimentation olympique, ajoutée à la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports mais censurée par le Conseil constitutionnel, elle pourrait revenir via le projet de loi relatif aux Jeux de 2030, actuellement sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Autant de projets scrutés de près par les partisans et opposants à cette technologie controversée. « Il nous faut de l’IA, j’ai de bons espoirs à court terme pour les CSU », indique ainsi Dominique Legrand, le président de l’association nationale de la vidéoprotection (AN2V), qui réunit des entreprises du secteur. Malgré un bilan « plus que mitigé », « il y a une volonté politique de se tourner vers cette technologie à des fins sécuritaires », déplore de son côté Katia Roux, chargée de plaidoyer à Amnesty international. Le comité d’évaluation de l’expérimentation menée lors des Jeux olympiques de Paris avait pointé des performances techniques inégales et un intérêt opérationnel limité [8]. Un test qui ne permettait pas « de mesurer l’efficacité de l’IA en situation normale », vient de plaider récemment le Continuum Lab. Ce think-tank porté par la mutuelle des agents de la fonction publique Interiale préconise un élargissement de ces expérimentations aux « milieux urbains et ruraux », en dehors de « périodes d’affluence exceptionnelle ».
Sans attendre une nouvelle loi, la commune d’Asnières-sur-Seine (91 457 habitants, Hauts-de-Seine) a acheté cet été cinquante licences du logiciel Briefcam. Un investissement évalué à 43 400 euros environ réalisé dans le cadre de la modernisation du CSU. « C’est une IA totalement bridée, seulement utilisée a posteriori dans le cadre d’une réquisition judiciaire, explique Thierry Le Gac, adjoint à la sécurité publique. Cela nous permet des gains de temps conséquents: au lieu de plusieurs heures pour retrouver les images demandées, nos agents peuvent les identifier en quelques minutes. » L’élu espère toutefois ne pas s’arrêter là. A l’avenir, la vidéosurveillance algorithmique pourrait permettre une « réactivité plus importante des forces de l’ordre sur la voie publique », résume-t-il.
Même souhait à Chartres (37 990 habitants, Eure-et-Loir). « A terme, pour l’ensemble de l’agglomération, nous allons devoir gérer un millier de caméras, compte Richard Lizurey, l’ancien directeur général de la gendarmerie, désormais adjoint en charge de la sécurité et de la tranquillité publique. Il faut une assistance technique aux opérateurs, pour les aider à évaluer la situation », comme par exemple la détection d’un accident de la route, un dépôt sauvage ou encore un attroupement sur un site interdit.
Une analyse qui ne fait pas consensus dans les collectivités. Exemple avec Lyon [9] qui rappelait en mai dernier « son opposition à tout équipement de vidéosurveillance algorithmique et à la reconnaissance faciale ». Deux technologies liées pour les opposants, qui estiment que la première va ouvrir la voie à la seconde. Outre des risques de stigmatisation ou de discrimination, les détracteurs de la vidéosurveillance algorithmique s’inquiètent également, avec une utilisation en temps-réel, d’une ingérence dangereuse dans la vie privée.
L’engouement de certaines collectivités fait aussi grincer des dents du côté de la Cnil. Il y a un an, le gardien des données personnelles avait mis en demeure [10] six d’entre elles. Elles étaient hors des clous dans leur utilisation d’un logiciel d’analyse vidéo, de la détection automatique d’un stationnement interdit à une circulation à contresens.
Mais qu’il ne s’agisse que d’une simple pause ou d’un coup d’arrêt donné aux applications sécuritaires de la vidéo intelligente, celles autour « du pilotage de l’espace public » conservent à « un certain dynamisme », signale Quentin Barenne, l’un des co-fondateurs de la société Wintics. Avec l’IA générative, il est désormais possible de faire une tournée virtuelle des images pour identifier des poubelles qui débordent ou des éclairages publics en panne, assure-t-il. Un genre de cas d’usage moins controversé sans doute plus simple à adopter pour les collectivités.
POUR ALLER PLUS LOIN
En deux ans, plus de 2 000 habitants, professionnels et bénévoles, ont participé à des sessions de sensibilisation à la santé mentale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Fort de ce succès, un kit “santé mentale dans mon quartier” est maintenant distribué, pour disséminer ces animations locales. Un outillage bienvenu pour les collectivités, alors que le gouvernement vient de décider de prolonger la « grande cause nationale » dédiée à la santé mentale en 2026.
[11]Pendant la crise sanitaire, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avait sollicité le Centre national de ressources et d’appui aux conseils locaux de santé mentale pour recueillir des données sur la santé mentale au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), anticipant un risque d’aggravation des inégalités. « La santé mentale était un sujet un peu compliqué à travailler au sein des QPV et les acteurs ne se sentaient pas suffisamment outillés », témoigne Sonia Charapoff, coordinatrice nationale des conseils locaux de santé mentale (CLSM) lors d’un webinaire le 27 novembre.
Un groupe de travail a alors élaboré un dispositif simple : une séance de sensibilisation de trois heures réunissant tous les acteurs du territoire – élus, psychiatres, habitants, animateurs jeunesse, associations – pour aborder la définition de la santé mentale, les ressources disponibles, et présenter le CLSM local, le cas échéant. Ces sessions, organisées dans les centres sociaux et médiathèques, ont permis de décloisonner les approches.
Ainsi, dans l’Eure, à Seine-Normandie Agglomération, Anne-Lise Denoncin, coordinatrice du CLSM, a saisi l’opportunité face « aux situations complexes, parfois lourdes » rencontrées par les acteurs de terrain. Trois ateliers ont débouché sur la formation de 19 professionnels aux premiers secours en santé mentale et sur la création d’un guide des ressources territoriales, remis à jour depuis. « Deux ans et demi après, nous avons mené les acteurs vers une stratégie plus globale. La santé mentale, ce n’est pas l’asile psychiatrique ! On note une plus grande capacité à orienter vers les ressources », précise-t-elle. Effet collatéral positif : les bailleurs sociaux, difficiles à mobiliser, ont rejoint la dynamique.
À Avignon, Emmanuelle Faure, coordinatrice du CLSM, a collaboré avec la coordinatrice de l’atelier santé ville pour déployer le programme dans trois QPV différents. Elles ont élaboré une feuille de route commune baptisée “les territoires du prendre soin”, un titre qui s’est imposé naturellement. « Les habitants des quartiers, avec leur entraide et leur solidarité, sont porteurs de solutions », souligne-t-elle. Une adulte-relais est aujourd’hui présente sur le terrain et facilite le lien avec les habitantes, les femmes étant en première ligne des questions de santé mentale.
Le kit que vient de publier le Centre national de ressources compile les outils créés durant l’expérimentation. Il contient un modèle d’affiche, le déroulé pédagogique de chaque séance, des fiches pour l’animation, un cahier des charges précis, un bilan détaillé de l’expérimentation… L’objectif : inspirer et faire vivre des dynamiques collectives similaires sur d’autres territoires.
Contre toute attente, en effet, la mobilisation autour de la santé mentale a été forte dans ces QPV, avec une approche de “santé communautaire” appréciée. Les CLSM ont été mieux identifiés par les acteurs, ce qui a permis de construire une culture commune, des réseaux, et de développer des partenariats entre acteurs qui ne se connaissaient pas forcément, notamment entre les CLSM et les intervenants de la politique de la ville.
REFERENCES
POUR ALLER PLUS LOIN
Le Conseil d'Etat a enjoint au Premier ministre, dans une décision du 10 décembre 2025, d'enfin prendre le décret d'application de la loi du 6 août 2029 qui doit harmoniser le régime des autorisations spéciales d’absence des agents publics. Une très bonne nouvelle pour les collectivités territoriales.
Cela fait six ans que les gestionnaires RH des collectivités territoriales attendent la parution du décret d’application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique [13]. Si le gouvernement respecte l’injonction prononcée par le Conseil d’Etat dans une décision du 10 décembre [14], ils ne devraient plus attendre que six mois.
En effet, le Conseil d’Etat a jugé que le refus du gouvernement de prendre ce décret « méconnaît l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d’application » de la loi.
Actuellement, l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique [15] dispose que « les agents publics bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité, notamment les autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail [16], et à l’occasion de certains évènements familiaux ».
Un décret en Conseil d’Etat devait déterminer la liste de ces autorisations spéciales d’absence et leurs conditions d’octroi et précise celles qui sont accordées de droit. Mais ce décret n’a jamais été publié. Le requérant, devant le Conseil d’Etat, demande au juge du Palais-Royal d’enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret d’application pour enfin déterminer la liste des ASA et leurs conditions d’octroi, en y incluant la possibilité, pour le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou la personne vivant maritalement avec une femme enceinte, de bénéficier d’une ASA afin d’assister à trois examens médicaux obligatoires pendant la grossesse.
Il se trouve que ce dernier point a été résolu par l’article 2 de la loi du 30 juin 2025 [17] qui a précisé que les agents publics peuvent bénéficier des autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail [16], parmi lesquelles figure justement l’accompagnement de la femme enceinte à ses rendez-vous médicaux de grossesse.
Mais les autres questions ne sont pas résolues, comme l’a souligné le Conseil d’Etat : « L’intervention d’un décret en Conseil d’Etat, qui était d’ailleurs expressément prévue par l’article 45 de la loi du 6 août 2019 [13], est nécessaire à l’application des dispositions de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique [15]« .
L’absence de ce décret a eu des conséquences bien réelles pour les collectivités territoriales, même si le juge a eu l’occasion de formuler des solutions. Par exemple, le tribunal administratif de Grenoble avait jugé, en février 2025 [18], qu’en l’absence de décret d’application de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique [15], « le chef de service était seul compétent pour instituer et définir le régime des autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité ou aux évènements familiaux », à condition de respecter les catégories fixées par la loi.
Ces derniers mois, faute de décret, dont la publication était prévue en 2020, les collectivités n’ont pas attendu pour permettre à leurs agents de prendre des ASA discrétionnaires liées aux événements familiaux et à l’octroi de congés menstruels, mais les décisions de justice se sont succédées en annulant ou en suspendant ces initiatives locales : cela a été le cas pour la ville et la métropole de Grenoble [19], Plaisance-du-Touch et la Communauté de communes du Grand Ouest Toulousain [20].
La parution de ce décret mettra donc fin à des pratiques locales incertaines, comme l’explique Thomas Bigot [21], DRH adjoint à Roubaix : « Une situation d’insécurité, tant pour les employeurs que pour l’équité entre les agents et les collectivités. Les RH ont continué à bricoler. Jongler entre des vieilles circulaires d’après-guerre et des délibérations locales à la sécurité juridique vacillante, pour tenter de gérer les événements de vie de nos agents, de renforcer la QVT, ou d’en faire un levier d’égalité professionnelle F/H ».
Ce futur décret permettra enfin de sécuriser les droits des agents et les décisions des employeurs publics.
REFERENCES
POUR ALLER PLUS LOIN
Contre l’inégale répartition des médecins sur les territoires, les collectivités de tous les niveaux tentent tout ce qui est en leur pouvoir - y compris hors de leurs compétences. Les unes et les autres tentent de rendre leur territoire attractif, de proposer des aides financières, ou encore d'organiser du salariat ou du travail en équipe. Mais les résultats sont difficiles à évaluer.

Le Doctobus d’Evreux et de son agglo a été reconnu comme centre de santé. Des médecins retraités à temps partiel s’y relaient.
Régions, départements, intercommunalités et communes déploient leurs actions anti-déserts médicaux tous azimuts. Trois grands types d’action ont le vent en poupe : séduire les médecins grâce aux atouts du territoire et leur offrir un accompagnement personnalisé, leur aménager des conditions de travail attractives via le salariat et l’exercice en équipe ou leur proposer des aides financières. Les collectivités investissent de plus en plus pour mettre en valeur la qualité de vie, sous les aspects naturels, culturels, sportifs, économiques ou sociaux, pour attirer les médecins.
Les conseils départementaux de Loir-et-Cher et de la Manche, par exemple, mobilisent leur agence d’attractivité sur cette mission. Dans le premier, l’agence Be LC, qui veut « réinventer l’attractivité médicale », mène une stratégie digitale comme une entreprise privée et de multiples actions de prospection. Web, presse, salons… « on est un peu partout », commente sa directrice, Karine Gourault.
Les collaborateurs de la directrice rencontrent tous les étudiants en médecine en stage dans le département, les médecins remplaçants et chaque candidat à l’installation, à qui ils remettent l’une des trois « box » d’accueil correspondant à leur profil.
Y sont proposées des ressources sur le cadre de vie, sur les perspectives professionnelles, ainsi que des activités conviviales et une offre d’accompagnement global. « Trois personnes à temps plein travaillent pour l’agence, souligne Karine Gourault. Elles disposent d’un budget de 150 000 euros. »
Deux jours d’exercice par mois dans un désert médical ? L’incitation à cette solidarité médicale du plan « Bayrou » peine à se mettre en place. La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a indiqué à « La Gazette » qu’à la mi-novembre, environ 1 000 consultations ont été réalisées par 200 médecins volontaires. On est très loin des 30 000 consultations prévues par an. Selon elle, il est nécessaire de mieux faire connaître le dispositif et les plateformes de mise en relation.
Avec les intercommunalités de son territoire, l’agence Attitude Manche joue aussi la carte de la découverte de la qualité de vie, en proposant aux internes, remplaçants et candidats potentiels à une installation, des soirées et même des séjours de découverte de quelques jours. Puis, elle déploie une mise en relation avec les professionnels de santé voisins et un accompagnement de la famille. « Désormais, nous voulons travailler sur l’ancrage des professionnels dans la Manche », remarque Martine Lemoine, conseillère départementale chargée du tourisme et de la démographie médicale, et vice-présidente de l’agence.
Localement, ces stratégies semblent payantes. En Loir-et-Cher, où la politique globale « le 41 en bonne santé » a été mise en place il y a deux ans, « 2024 a été la première année où les arrivées et les départs de médecins s’équilibrent, après dix ans où il était négatif », observe son président, Philippe Gouet. En 2025, une dizaine de nouveaux médecins s’y sont installés, d’après Karine Gourault, surtout des jeunes et dans des zones rurales (où, cependant, ils n’habitent pas). Dans la Manche, où 31 médecins ont été accompagnés en 2024, le solde « médical » est également positif depuis 2022. La moitié des 24 médecins ayant participé à un séjour de découverte depuis cette date se sont installés.
Le premier « réflexe » des collectivités pour soutenir et améliorer le système de santé local a consisté à apporter des aides financières directes. Elles soutiennent, ou assument, les investissements liés à la construction de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), versent des primes à l’installation, offrent des bourses aux étudiants…
Ces mesures financières ont atteint leurs limites. Au conseil départemental de Saône-et-Loire, « on a été obligé de le faire car tout le monde le fait », souligne son président (LR), André Accary. Mais en pratique, les aides à la construction de maison de santé, l’aide au logement des internes ou l’emploi de cabinets de recrutement ne sont pas ou peu sollicités dans ce département. Il a néanmoins apporté un soutien financier à neuf médecins généralistes pour leur première installation.
Même schéma dans l’Yonne. « Comme beaucoup de conseils départementaux, on a investi dans des MSP, mais on n’y voit pas toujours beaucoup de plaques [de médecins, ndlr], souligne Gilles Pirman, vice-président [DVD] “santé” du département. Au moins, on a rendu les choses possibles. » La région Occitanie a, elle aussi, financé des MSP, mais « on est un peu à un plafond de verre sur cette mesure », constate Vincent Bounes, vice-président (DVG) chargé de la santé.
Les bourses dédiées aux étudiants en médecine semblent avoir davantage d’avenir. La communauté de communes (CC) des Causses et vallée de la Dordogne (77 communes, 45 110 hab., Lot) propose, depuis 2022, de 800 euros par an en début de première année à 5 000 euros annuels durant l’internat. Les contreparties vont croissant : s’inscrire à un tutorat en première année, effectuer ses stages dans le département de la deuxième à la sixième année et, pour les internes, y exercer pendant six ans.
Chaque année, une vingtaine d’étudiants de la première à la sixième année de médecine en bénéficient, soit un total de 50 000 euros par an, mais très peu d’internes – peut-être freinés par la contrepartie. Les effets sont attendus à long terme, mais « l’une de nos boursières, thésée en médecine générale, effectue des remplacements sur le territoire », apprécie Thierry Chartroux, vice-président (Parti radical) chargé de la santé de l’intercommunalité.
Dans le département de l’Yonne, qui veut « faire des gens d’ici des soignants d’ici », ou dans celui de Saône-et-Loire, où les bourses ont été mises en place plus récemment, les résultats restent modestes : trois étudiants dans le premier et cinq dans le second en bénéficient. En revanche, l’aide aux déplacements des externes de Saône-et-Loire a plu à 42 étudiants.
Les collectivités misent de plus en plus sur le temps long en favorisant l’émergence de vocations pour les études de médecine et en les « rapprochant » des jeunes bacheliers. Elles se basent sur des travaux de recherche qui montrent que les médecins originaires de secteurs ruraux ont plus tendance que les autres à y exercer. L’Occitanie s’est engagée dans cette voie en 2021 et soutient des options « santé », préparant les jeunes motivés, dans 17 lycées, à la difficile première année de parcours d’accès spécifique santé (Pass). La CC des Causses et vallée de la Dordogne (77 communes, 45 110 hab., Lot) en a aussi ouvert une en 2021 : à la rentrée 2025, dix bacheliers l’ayant suivie ont intégré un Pass. D’autres collectivités soutiennent l’ouverture de premières années de médecine délocalisées. C’est le cas, par exemple, du département de l’Yonne, à Auxerre (35 240 hab.), et de la région Auvergne – Rhône-Alpes, à Bourg-en-Bresse (42 070 hab., Ain) et Aubenas (12 490 hab. Ardèche). Rendez-vous dans dix ans pour évaluer ces mesures.
De plus en plus de collectivités décident de salarier elles-mêmes des médecins et de leur proposer des conditions d’exercice censées correspondre aux aspirations des plus jeunes – mais aussi de ceux qui ne veulent plus travailler « comme avant ». C’est la mesure phare du département, pionnier, de Saône-et-Loire. Son centre de santé, ouvert en 2017, se décline en six centres territoriaux ayant chacun plusieurs antennes. « Nous y salarions plus de 100 professionnels de santé, dont 63 médecins », se félicite André Accary. « Cela a permis à plus de 40 000 habitants de retrouver un médecin traitant. Nous continuons de recruter des médecins, mais aussi des infirmières de pratique avancée, car elles permettent de gagner du temps médical », ajoute-t-il.
L’Occitanie a également priorisé le soutien au salariat. En lien avec les élus locaux et les représentants des professionnels de santé, elle a « ouvert 26 centres de santé dans des territoires sans médecins via un groupement d’intérêt public “ma santé, ma région” créé en 2022 », explique Karine Aldebert, sa directrice. Ils comptent 80 médecins, à 90 % composés d’ex-libéraux. « Nous avons lancé la plus grande campagne de recrutement de médecins de France », souligne Vincent Bounes, vice-président de la région. Ces centres ont réalisé pas moins de 400 000 consultations, environ 40 000 visites à domicile et offrent des médecins traitants à 34 000 habitants. En prime, cette démarche a un effet positif sur les installations de libéraux.
Idem à la petite échelle du Sourn (2 130 hab., Morbihan), où le centre de santé communal, avec quatre médecins, créé en 2015, a permis à la pharmacie de se maintenir et attire désormais des kinés. Selon le maire (DVG), Jean-Jacques Videlo, le centre, fréquenté par 4 000 patients, rend un « service incommensurable ». D’ailleurs, poursuit-il, le Sourn et cinq communes voisines ont créé un syndicat intercommunal qui compte trois centres de santé avec antennes et onze praticiens, médecins traitants de 10 000 patients, soit plus que leur population.
En Seine-Maritime, la CC de la Côte d’Albâtre (63 communes, 27 660 hab.) ne peine pas à recruter pour son centre de santé intercommunal ouvert en 2023 (huit médecins). « Nous avons eu la chance que notre premier médecin soit maître de stage » et plusieurs de ses anciens, diplômés, ont rejoint le centre, souligne Jérôme Lheureux, président (DVD) de l’EPCI. Des opérations coûteuses mais qui peuvent, selon ces collectivités, se rapprocher de l’équilibre financier.
Le département des Pyrénées-Atlantiques et l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine ont mis sur pied et copilotent le dispositif Présence médicale 64 (PM64), un guichet unique qui vise à faciliter, depuis 2019, l’installation des médecins généralistes. « Nous sommes un collectif qui regroupe 23 organisations paritaires, des élus d’interco, des caisses primaires d’assurance maladie, des représentants des professionnels de santé, des centres hospitaliers, a indiqué Nadine Hialé, sa directrice, lors d’un colloque au Sénat à l’automne. Nous construisons ensemble, en partant du terrain », et de ses ressources humaines.
Ici, pas d’aide financière spécifique : les partenaires misent sur « le lien social » avec les médecins intéressés, via un accompagnement à la fois professionnel (démarches administratives, accès aux aides existantes, choix du lieu d’exercice…) et personnel (découverte du territoire, logement, scolarité et mode de garde pour les enfants, emploi du conjoint…). Depuis 2019, 63 médecins se sont installés après avoir été aidés, pendant onze mois en moyenne. Ils exercent plutôt en libéral et, pour plus de la moitié, en milieu rural, « notre priorité », selon la directrice. « Par ailleurs, 66 % sont des femmes », poursuit-elle. « Nous avons réussi à pallier les départs à la retraite de médecins et même à en gagner quatre », précise Thierry Carrère, vice-président (Modem) du conseil départemental, chargé de l’attractivité. Fin 2025, PM64 accompagne quelque 56 candidats à l’installation pour 2026-2028, avec 62 autres envisagés à l’horizon 2029-2030.
Le dispositif, qui mobilise six agents et disposait d’un budget de 150 000 euros en 2025, a été financé ces trois dernières années, dans le cadre du Conseil national de la refondation – santé.
Contact
Présence médicale 64, 05 59 11 44 62, presencemedicale@le64.fr
NADINE HIALÉ, directrice de Présence médicale 64
EMMANUEL VIGNERON, professeur émérite de géographie de la santé
Oui ! Il est temps de permettre aux élus d’avoir les moyens d’intervenir plus décisivement dans ce domaine, notamment à cause de la carence patente de la politique nationale à ce sujet. Il s’agit de travailler main dans la main avec les élus locaux. On ne les écoute pas assez, alors qu’ils connaissent les difficultés locales, les personnes sur qui s’appuyer et savent ce qui peut fonctionner.
Il n’y a plus assez de médecins et ils sont mal répartis. Il va donc falloir apprendre à nous en passer lorsque l’on n’en a pas besoin et leur faire exercer leur métier au moment où l’on en a vraiment besoin. Il faut renouer une entente démocratique entre les élus locaux, la population et le monde médical afin de déterminer ce qui est possible ici et ce qui ne l’est pas.
Aujourd’hui, ce pourrait être un danger si cela fonctionnait, mais cela fonctionne mal, ou peu, malgré tous les efforts. Les élus peuvent comprendre qu’au lieu d’essayer de faire venir des médecins, il s’agit de bâtir un système permettant l’accès de tous à des soins d’excellence, mais pas partout, ni tout le temps, plutôt au bon endroit, au bon moment. La solidarité entre collectivités territoriales peut exister.
POUR ALLER PLUS LOIN
Depuis 2023, la Foncière logement travaille avec les collectivités territoriales sur la lutte contre l'habitat indigne, via son programme Digneo, grâce auquel 2500 logements ont déjà été traités. Un nouvel appel à manifestation d'intérêt est lancé auprès des collectivités le18 décembre pour rentrer dans le dispositif.

Digneo est intervenu dans le centre ancien de Marignane (Bouches-du-Rhône).
Lancé en 2020 par l’association Foncière Logement, membre d’Action Logement, après le drame de la rue D’Aubagne à Marseille, le programme Digneo [22]vise à accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre l’habitat indigne. L’objectif est de traiter 4000 logements d’ici 2025, et 2500 l’ont déjà été. Un budget de 400 millions d’euros y est dédié. Le 18 décembre, la Foncière logement lance un nouvel appel à manifestation d’intérêt pour les collectivités.
La Foncière Logement travaille en coopération avec les collectivités territoriales, qui ont acquis des logements frappés d’arrêtés d’insalubrité, ou des ilots d’habitat dégradé. Après rénovation, les logements sont rachetés par la Foncière Logement, qui va en assurer la gestion locative, avec des loyers en dessous des prix du marché – plutôt au niveau du logement intermédiaire – puis les revendre au bout d’un certain nombre d’années. Parmi la soixantaine de collectivités ayant bénéficié du programme Digneo, ont peut citer notamment Marignane, qui a réhabilité une partie de son centre ancien dans ce cadre.
« Le traitement de l’habitat indigne est un sujet compliqué, du fait de la maitrise foncière, du modèle économique complexe, explique Yanick Le Meur, Directeur général de la Foncière logement. Nous intervenons quand il existe un projet politique local porté par une équipe municipale avec une volonté forte. Nous travaillons toujours en transparence avec la collectivité : en fonction du niveau de loyer des futurs logements, on peut cibler la stratégie de peuplement que veut la collectivité. »
La Foncière logement s’adapte aux outils de chaque collectivité – que ce soit une SEM d’aménagement, une société publique locale d’aménagement, une foncière commerce pour travailler sur les rez-de-chaussée. Son modèle s’appuie sur la revente des logements rénovés en cours d’exploitation, au bout d’une quinzaine d’années, en priorité aux locataires.
La ville de Mulhouse vient de conventionner avec Digneo via sa SEM, pour la construction de 20 maisons neuves, et 8 logements à rénover, à partir d’une copropriété qui s’est progressivement dégradée, et que la SEM a acquise. La foncière commerciale de la ville va agir pour la création d’une vingtaine de rez-de-chaussées commerciaux, tandis que Digneo va intervenir sur la partie habitat, avec des logements à loyer intermédiaire. La SEM a restructuré les logements en réduisant leur taille, et elle les revend à Digneo, qui les revendra d’ici 15 ans. « L’opération ne sera équilibrée qu’au bout de 25 ans, mais c’est notre mission d’intérêt général de porter ce déficit ». Pour Mulhouse, l’opération représente un volume total de 28 logements (livrés en 2026 et 2027), pour un investissement global de plus de 7 millions d’euros.
A Valenciennes, une convention a été signée avec la ville pour la restructuration du magasin Félix Potin, qui avait été transformé en logements devenus indignes. La Ville est en train de faire les acquisitions, puis la gestion des appartements rénovés sera confiée à Digneo.
A Poitiers, une convention a été signée avec Digneo pour intervenir sur plusieurs îlots dégradés du centre historique. « Grâce au permis de louer que nous avons instauré, nous suivions plusieurs immeubles situés en secteur sauvegardé. Nous avons réussi à les préempter. Cela va permettre d’apporter une offre de logements de qualité, on recrée des cours et des jardins sur cinq îlots, c’est un travail de couture. S’il n’y avait pas ce programme, cela aurait été une intervention très couteuse sans savoir quelle activation exacte nous pourrions faire de ces immeubles, résume Jérôme Baloge, le maire de Niort. C’est un investissement dans la reconquête du bâti, et une garantie de logements de qualité ». La SEM s’occupe de la transformation du bâti, en une quarantaine de logements, pour un budget de 17 millions d’euros.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le projet de troisième stratégie nationale bas carbone conforte les territoires dans leur position de chefs de file de la lutte contre le réchauffement. Les actions qu’ils devront engager structureront l’action publique locale.

Avec la publication du projet de troisième stratégie nationale bas carbone (SNBC 3 [24]), on entre véritablement dans le dur de la décarbonation. Pesant plusieurs centaines de pages, cette planification vise, en effet, à ce que la France atteigne les nouveaux objectifs européens d’abattement des émissions de à gaz à effet de serre : -50% entre 1990 et 2030 et, surtout, -90% entre 1990 et 2040. Pareil changement de paradigme nous oblige, collectivement, à réduire de 5% par an notre contribution au réchauffement, rythme inédit dans la durée.
Logiquement, chaque secteur se voit affecter un but, chaque acteur est prié d’embarquer dans la transition énergétique. Les collectivités n’ont pas attendu la SNBC 3 pour s’engager. La loi Royal sur la transition écologique pour la croissance verte, les a bombardées (région en tête !) cheffes de file en matière de climat, air, énergie. Position confortée par le projet de stratégie nationale.
Ses rédacteurs rappellent d’ailleurs que « 25% des leviers d’action de la planification écologique nécessaires pour réduire de moitié nos émissions brutes entre 1990 et 2030 » sont entre les mains des collectivités. Et elles devront les actionner.
Le texte postule, en effet, que les transports réduisent de 26% leurs émissions d’ici à 2030 (toujours relativement à 1990). Comme l’Etat, les collectivités devront donc « verdir » leurs flottes de véhicules légers, mais aussi de bus et de bennes à ordures.
Forcément conformes à la SNBC 3, les règles d’urbanisme devront réduire les besoins de mobilité et accélérer le report modal vers les transports collectifs et la mobilité douce (marche à pied, vélo). Dans cinq ans, la part des transports publics routiers et ferrés dans les déplacements devra atteindre 25% contre 16% en 2023.
L’agriculture devra abattre de 28% ses émissions entre 1990 et 2030. Très ambitieux, cet objectif pourra, en partie, être atteint grâce au soutien indirect des collectivités. En développant l’achat, pour leurs cuisines centrales, de denrées « bio », les communes et les « intercos » contribueront à accroître les surfaces dédiées à l’agriculture sans intrants, dont certains (comme les engrais azotés) contribuent fortement au dérèglement climatique.
En réduisant, aussi, le gaspillage alimentaire des cantines, les communes feront chuter la production de déchets putrescibles, dont la dégradation produit du méthane, deuxième gaz à effet de serre après le CO2.
Devant abattre de 68% ses émissions entre 1990 et 2030, l’industrie n’a pas grande aide à attendre des collectivités. Et pourtant. En développant les boucles locales d’énergies décarbonées, celles-ci peuvent fournir électricité ou gaz décarbonés aux usines locales. En verdissant leur politique d’achat, elles peuvent aussi favoriser les productions décarbonées, de ciment, voire d’hydrogène vert, à l’instar de la communauté urbaine du Mans.
Grands donneurs d’ordre en la matière, les territoires pourront aussi aider le secteur du bâtiment à réduire de 60% ses émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, en accélérant la rénovation des bâtiments publics et des logements sociaux.
Côté énergie, les choses sont simples. La France devra cesser de consommer des produits pétroliers en 2045, au plus tard. L’échéance pour le gaz est plus tardive : 2050. Pareille ambition milite en faveur du développement accéléré de réseaux de chaleur collectifs, de centrales locales à biomasse ou à géothermie, de flottes de véhicules consommant des carburants alternatifs (électricité, bioGNV, hydrogène vert).
La gestion des déchets, compétence en partie municipale, contribue à l’émission de 17 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an. Ce flux devra être réduit de moitié d’ici à 2030. En diminuant de 15% la production d’ordures ménagères entre 2010 et 2030, en comprimant de 40% le volume de déchets mis en décharge.
Actuellement, la moitié du méthane produit dans les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) est captée pour être brulée ou valorisé. Compte tenu du pouvoir réchauffant de ce gaz à effet de serre (86 fois supérieur au gaz carbonique), il faudra équiper en conséquence les ISDND. En complément, les collectivités devront sensiblement améliorer collecte et valorisation des biodéchets, autre source potentielle de production de méthane.
Les communes possèdent près de 3 millions d’hectares de forêts (16% du total). Pour éviter que les puits de carbone forestier ne se dégradent davantage, elles devront participer au reboisement en cours. Entre 2030 et 2039, 200 000 hectares devront être reboisés, annonce le gouvernement.
En plus de leur participation à l’effort commun, les collectivités devront adapter leurs pratiques. Bien sûr, en assurant, d’ici à 2030, la cohérence des documents de planification (SRADDET, SAR, SRCAE, SDRIF, PADDUC, PCAET, PLU, Scot) avec les objectifs du projet de SNBC 3. Dans le cas du PCAET, l’Etat s’engage d’ailleurs à réviser la réglementation pour faciliter leur suivi et leur évaluation. Ce qui obligera aussi les collectivités à réaliser leur bilan d’émission de gaz à effet de serre (BEGES).
Actuellement, un tiers des collectivités obligées (1) [25] ont publié leur BEGES triennal. En généralisant l’usage de la comptabilité verte, les collectivités pourront plus facilement réduire les dépenses défavorables à l’environnement et au climat et donner la priorité aux investissements favorables.
Aussi ambitieux soit-il, ce programme reste, pour le moment, un simple projet. Il doit encore être soumis à la critique de plusieurs institutions (haut conseil pour le climat, conseil national de la transition écologique) avant d’avoir force de loi. Il doit aussi être décliné en politiques sectorielles, comme la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat ou la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Très critiquée par plusieurs partis de l’opposition, cette dernière pourrait n’être publiée qu’après l’adoption de la loi de finances pour 2026. Si tout va bien.
POUR ALLER PLUS LOIN
L’Idrrim et l’association mondiale Piarc France viennent de fusionner, avec la volonté d’inspirer d’autres pays. Sans oublier de mutualiser leurs moyens.
C’est consommé depuis le mercredi 11 décembre. L’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité [26] (Idrrim), communauté des acteurs techniques des infrastructures linéaires (routes essentiellement), d’une part (1) [27]) ; et Piarc France – Association mondiale de la route rassemblant les éléments d’une doctrine Routes en France, d’autre part (2) [28], viennent de fusionner. Claude Riboulet, ancien président de l’Idrrim prend les rênes de la nouvelle entité.
L’objectif premier était, pour Piarc France, de « renforcer cette capacité à exporter à l’international l’expertise route française, et à chercher ailleurs les bonnes pratiques et les idées nouvelles », selon Xavier Neuschwander, ancien président de Piarc France et nouveau vice-président de l’Idrrim – Piarc France. Pour l’Idrrim, « c’était promouvoir le savoir-faire français à l’international, ce que nous n’avions jamais fait, et booster l’innovation », selon Jérôme Weyd, ancien directeur de l’Idrrim et nouveau directeur de Idrrim – Piarc France. Il faut dire que Piarc France adhère à Piarc Monde (dont le siège est aussi à Paris) comme 130 autres pays dont une soixantaine ont un comité national. Unies, les deux entités seront plus fortes pour affronter des défis majeurs : changement climatique, adaptation des infrastructures [29] aux territoires et à ce changement climatique, numérique et route…
Evidemment, l’Idrrim et Piarc France fusionnent aussi leurs moyens. La vingtaine de comités techniques mondiaux, déjà en partie communs avec l’Idrrim, et rassemblant une centaine d’experts français de la route (collectivités, entreprises, universitaires, laboratoires…), va continuer à se regrouper et à produire une doctrine élaborée à partir de tous les points de vue. La douzaine de comités opérationnels et miroirs nationaux continueront à suivre et alimenter les travaux des comités mondiaux. En outre, Piarc France, qui n’avait pas de salariés, va s’adosser au fonctionnement de l’Idrrim, qui lui fera bénéficier de son équipe de quatre permanents et une alternante. Sans oublier le recours à des personnels de Routes de France qui pourront être mis à disposition pour des tâches techniques et administratives [30]. Enfin, les congrès organisés tous les quatre ans par Piarc Monde, parfois en France (3) [31], et les Journées techniques déjà communes continueront.
Par ailleurs, Idrrim – Piarc France s’apprête à créer un conseil international chargé d’assurer les missions internationales de l’association et les missions du Comité national français de Piarc (savoir-faire, innovations, échanges…). Les premières nominations de ses membres ont eu lieu la semaine dernière, d’autres viendront ensuite. Alors, si le rapprochement n’a pas toujours été souhaité, si les membres de Piarc France ont pu défendre une affection forte pour leur association, aujourd’hui, la fusion fait l’unanimité, tant dans les votes que dans les esprits.
POUR ALLER PLUS LOIN