Alexandre Saubot, président de France Industrie, l’organisation professionnelle qui représente les intérêts des industriels et regroupe 30 fédérations sectorielles, ainsi que près de 50 grandes entreprises, met en avant l’importance du dialogue avec les collectivités locales pour le développement de projets sur les territoires.
Je l’ignore ! Pour les grands projets, nous arrivons toujours à trouver des solutions. Mon inquiétude porte sur les plus petits, comme un sous-traitant de l’aéronautique qui a besoin d’une travée supplémentaire et la mettrait bien sur le champ derrière… Ces dossiers sensibles, nous ne les voyons pas. Ils se jouent entre acceptation ou renoncement discret à la suite, par exemple, d’un message informel d’un élu, du style : « C’est compliqué en ce moment… »
Mais, au-delà, l’industrie ne constitue pas un sujet central d’artificialisation, contrairement à l’habitat et aux infrastructures de transport, responsables de 70 % de celle-ci. Ce constat ne signifie pas pour autant que l’on s’en désintéresse. J’insiste : nous partageons l’enjeu. Néanmoins, notre objectif principal est toujours qu’un projet industriel se fasse !
D’un côté, nous avons une industrie qui pèse peu dans l’artificialisation des sols et, d’un autre, la réindustrialisation posée en priorité nationale. Ma conviction, dans le contexte industriel actuel, sur fond d’enjeux de souveraineté, est que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un seul projet qui aurait pu se faire sur le territoire.
Je me répète : nous partageons les grands objectifs [de sobriété foncière, ndlr], mais plus vous mettez de règles rigides et de contraintes en termes de compensation ou autre, plus le risque est grand de voir un programme industriel abandonné pour de mauvaises raisons. Et donc d’avoir des commandes non satisfaites, une montée en cadence qui ne se fait pas et, au final, un donneur d’ordre qui va chercher des solutions ailleurs, potentiellement à l’étranger.
Je défends un pragmatisme de bon aloi : les étages dans l’industrie, cela ne fonctionne pas ! Bien sûr, l’on peut y mettre des bureaux, etc. Dans les métiers de la logistique, la hauteur des bâtiments tend à augmenter pour limiter l’emprise au sol.
Toutefois, dans l’industrie, il n’est pas envisageable d’installer des lignes de production en étages, sinon, vous perturbez les flux avec des ascenseurs, vous compliquez tout et vous augmentez les coûts, au risque de ne plus être compétitifs. Je n’ai pas de solutions miracle, mais une certitude sur l’importance de travailler ces sujets en bonne intelligence avec les collectivités locales.
POUR ALLER PLUS LOIN
La région Occitanie a entamé en février dernier le regroupement de ses trois agences dédiées au cinéma, au livre et au spectacle vivant en une seule entité : Occitanie culture. Une réorganisation qui inquiète les salariés, ainsi que les acteurs culturels du territoire, déjà touchés par la disparition de subventions.
Le projet de fusion des agences Occitanie films, Occitanie livre & lecture et Occitanie en scène avance à grand pas, sous l’égide du conseil régional, leur principal financeur (à hauteur de 50 % en moyenne), et des services de l’Etat. Piloté depuis le 14 février par une association de préfiguration de l’agence Occitanie culture (AOC), il doit aboutir en octobre.
La réorganisation prévue se fera en plusieurs pôles, les uns par filière (films, livre et lecture, spectacle vivant), les autres transversaux : ressources (gestion, ressources humaines…), développement économique hors-région (tourné vers la recherche de financements européens), et communication associée à l’observation (études, données…) et l’action culturelle, d’après Jérôme Sion, président de l’association de préfiguration AOC.
Le budget annoncé est de 4,5 millions d’euros, soit légèrement moins que le cumul des budgets des trois structures (4,6), pour un total de 45 salariés assurés de rester en place à en croire le mot d’ordre « zéro licenciement ».
Le but affiché par le président de l’association de préfiguration est « une meilleure visibilité et lisibilité des politiques publiques culturelles » destinées à favoriser le développement des trois filières au service des professionnels. « Chaque pôle conserve son identité propre, mais le travail en commun va faire émerger des synergies », assure Jérôme Sion, rappelant une action déjà menées de front par Occitanie en scène et Livre & lecture pour la musique en médiathèques, ou encore l’intérêt des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel pour les livres à adapter. Il estime aussi que l’expérience acquise par l’une des agences (en scène) en matière de financements européens pourrait bénéficier à ses pairs.
Pourtant, la fusion semble également motivée par un objectif de réduction des coûts. « La mutualisation des fonctions support – administration, ressources humaines, communication… – sera source d’économies », admet-il. Ce que permettra également le regroupement des trois structures dans les mêmes bureaux. A Toulouse, ceux de l’agence Livre & lecture, déjà rejointe par son homologue En scène, pourraient également accueillir l’équipe dédiée au secteur audiovisuel et au cinéma. A Montpellier, la recherche de locaux communs est en cours.
En interne, l’inquiétude domine, selon une salariée, sous le sceau de l’anonymat : « Cette fusion est engagée pour des raisons essentiellement financières, sans que soit définie une politique culturelle », déplore-t-elle. « On est également dans le flou en ce qui concerne l’organigramme », ajoute-t-elle, chacun s’interrogeant sur la place qu’il aura dans la future entité AOC.
Dans un contexte de restrictions budgétaires aux dépens de la culture, la fusion des trois agences accroît l’anxiété des milieux culturels. Dès l’annonce du projet, en octobre dernier, des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel ont lancé une pétition « pour la défense d’Occitanie Films », dont « le rôle crucial » est jugé menacé par la fusion, en risquant « de diluer [son] expertise, de réduire l’efficacité des dispositifs de soutien et de nuire à la visibilité [d’un] secteur » qui représente des milliers d’emplois directs et indirects dans cette région.
Des craintes partagées par le milieu du spectacle vivant, qui a appris la suppression de subventions dans le cadre du regroupement des agences. « Nous avons beaucoup sollicité des aides à la mobilité pour des tournées ou pour être présent sur des salons professionnels, mais elles n’existeront plus », se désole Claire Dabos, directrice de production de Freddy Morezon (jazz et musiques actuelles), à Toulouse.
« C’est la dernière année que les compagnies présentes en Occitanie bénéficieraient de ces aides qui nous permettent d’aller aux festivals d’Avignon, d’Aurillac, ou encore à l’étranger », abonde Yann Lheureux, à la tête de la compagnie de danse éponyme, à Montpellier, qui craint aussi « de ne pas avoir d’aides de l’agence pour inviter des danseurs sur un plateau lors du festival Mouvement sur la ville [organisé chaque année avec deux autres chorégraphes, ndlr]. ».
Le collectif régional des danseurs et chorégraphes « partage ces inquiétudes, Occitanie en scène étant jusqu’ici un interlocuteur privilégié des artistes », pointe le Montpelliérain.
Aux manettes de cette fusion se trouve le président d’AOC, Jérôme Sion, kinésithérapeute toulousain, nommé il y a quatre ans vice-président des trois structures par la région Occitanie, après avoir figuré sur la liste de Carole Delga (PS), présidente sortante, victorieuse aux élections régionales de 2021.
Son secrétaire général, Simon Martinez, est, lui, issu de l’administration régionale qui l’a employé par le passé comme cadre au sein des directions de l’éducation et de la culture.
REFERENCES
POUR ALLER PLUS LOIN
Fin observateur du Rassemblement national (RN), ancien élu local, Vincent Jarousseau revient, dans un entretien à «La Gazette», sur l'évolution de ce mouvement depuis dix ans et ses enjeux lors des prochaines élections municipales de 2026 .
Photojournaliste et documentariste, Vincent Jarousseau est un fin observateur du Rassemblement national (RN) depuis plus de dix ans. Ancien élu local dans le 14e arrondissement de Paris, il connaît bien les rouages d’une mairie. « J’étais curieux de voir comment ce parti, qui n’avait aucune expérience de gestion locale, allait aborder les choses », explique-t-il. L’année 2014 apparaît alors comme un moment clé. L’extrême droite remporte onze municipalités, un record, doublé d’une arrivée en tête aux élections européennes. Le journaliste veut alors comprendre ces électeurs qui ne craignent plus de se montrer. Il veut les raconter, les voir chez eux, dans leurs villes et leurs villages.
Entre 2014 et 2016, avec l’historienne Valérie Igounet, il enquête dans trois villes dirigées par l’extrême droite : Hayange (Moselle), Beaucaire (Gard) et Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Le fruit de leur travail est consigné dans un roman-photo intitulé « L’illusion nationale » (Les Arènes, 2017). « C’était une porte d’entrée pour observer le rapport entre les élus et leurs administrés, et inversement. »
Avec « Dans les âmes et les urnes », le journaliste poursuit son voyage en terres RN, des territoires marqués par la désindustrialisation, le chômage et les emplois mal rémunérés. A travers ses rencontres, il explique comment le lien entre la classe politique et les classes populaires s’est distendu, jusqu’à la rupture symbolisée par le mouvement de protestation des « gilets jaunes » en 2018. S’il met en évidence la rupture du lien social et la perte d’un sentiment d’appartenance à un projet commun, Vincent Jarousseau montre aussi la fragilité du vote RN au niveau local.
Au premier abord, les maires RN ressemblent à tous les autres élus locaux. Dans les allées du marché d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois, carnet à la main, surjoue le maire de province qui prend soin de noter les doléances de ses administrés. Quand il devient maire, cela fait vingt ans qu’il laboure le terrain en tant que commercial. Il a cette posture de l’enfant du pays, avec une gestion « façon bon père de famille ».
Mais si l’on regarde de plus près, l’action de ces élus se limite à surcommuniquer. La moindre visite de terrain du maire et de ses adjoints est relayée. Bien évidemment, la sécurité est l’un des sujets de prédilection. La dimension des sociabilités et des traditions locales est aussi surinvestie pour souligner l’idée d’une insécurité culturelle. On fait ainsi vivre les héritages passés, tels le bal du 14-Juillet, la Sainte-Barbe, et on propose de nouveaux rendez-vous comme la fête du cochon, à Hayange. Cela passe aussi par des mesures symboliques comme la suppression des menus de substitution à la cantine ou la fermeture du local de la ligue des droits de l’Homme à Hénin-Beaumont. On est issu du FN… il faut quand même le montrer d’une manière ou d’une autre.
Enfin, il y a un écrasement de toute opposition. On empêche la démocratie locale de vivre à coups de procédures judiciaires, d’humiliation lors de conseils municipaux, sur les réseaux sociaux… On joue souvent la stratégie de la citadelle assiégée, c’est-à-dire qu’il y a une victimisation et une tendance à écraser tout ce qui vient de Paris.
S’agissant des mandats municipaux de 2014 et de 2020, la ville d’Hénin-Beaumont est particulière car le Front national y a placé toute sa matière grise. Il y a eu de nombreux parachutages pour construire l’équipe municipale.
A contrario, à Hayange et Beaucaire, les équipes étaient extrêmement inexpérimentées, sans compter l’instabilité des cabinets… Pour autant, cela n’a pas empêché tous ces maires d’être réélus triomphalement en 2020. Pour être entendus, ils jouent sur la fragilité économique des classes populaires. Ils font de la politique sans parler politique.
Depuis 2020, il y a moins de frasques. Nous sommes face à un parti qui se professionnalise et qui dispose de moyens extrêmement conséquents, notamment grâce au soutien apporté par le plan Périclès (1) [4]. Le parti se renforce, et plus vous êtes fort, plus vous attirez des professionnels de la politique. On n’est plus sur les profils de militants du début.
Les territoires où le RN s’est implanté sont d’anciens bassins industriels où il existe un malaise lié à la désindustrialisation qui correspond à une perte d’emploi, mais aussi à une perte existentielle. Ces électeurs ne croient plus en la politique. Ce qu’ils veulent, c’est de la considération. Ainsi, la stratégie de ces mairies a été de se substituer au paternalisme social. Voter RN, c’est faire comme les autres, cela devient une marque de respectabilité.
Aux mutations socio-économiques s’ajoutent la massification de l’enseignement supérieur et l’élévation du niveau d’étude. Or, ce qui distingue les électeurs du RN, c’est leur niveau d’éducation assez faible. La stratégie vise à aller capter l’électorat qui n’est pas du côté du savoir légitime. Auparavant, à Hayange, il y avait une mixité importante, où l’ouvrier côtoyait l’ingénieur. Ce n’est plus le cas. La polarisation sociale se transforme en polarisation politique. Et c’est ce qui fait le miel du RN.
Ces élections ne sont pas gagnées d’avance car il y a beaucoup d’électeurs intermittents au sein du RN. Or, cette fragilité pourrait amener le vote à se défaire. Mais il reste que ces élections constituent un marchepied vers le pouvoir.
Lorsqu’on l’exerce, on devient fragile. Pour un parti comme le RN, élargir son implantation territoriale peut permettre, plus tard, de survivre à d’éventuelles défaites. L’exemple d’En marche et de Renaissance peut servir de leçon… Par ailleurs, le parti dispose d’importants moyens pour constituer des listes. Pourtant, l’idée n’est pas d’en présenter partout. La tentation est plutôt l’entrisme auprès des maires de droite. Si un élu gère bien sa commune, qu’il n’a pas d’animosités particulières à l’égard du RN, alors il pourrait y avoir des offres de service : « On ne présente personne contre vous, en revanche, vous acceptez d’accueillir sur votre liste un certain nombre de candidats. »
Des villes moyennes du Pas-de-Calais, comme Lens ou Liévin, sont des objectifs prioritaires atteignables pour gagner des communautés de communes assez conséquentes. Le parti a aussi des ambitions dans le Nord, à Douai et à Valenciennes. Le nord de la Moselle peut également être ciblé et bien sûr le Sud, avec Nîmes (Gard), où le maire ne se représentera pas. Si la campagne se joue ville par ville sur des thématiques locales, cela ne sera pas forcément à l’avantage du RN car il n’aura pas grand-chose à dire. Il a plus intérêt à jouer sur la politisation de l’élection. D’autant que celle-ci est l’antichambre de l’élection présidentielle.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) porte de 400 à 600 euros le régime indemnitaire des cadres dirigeants momentanément privés d'emploi, auxquels l’établissement confie des missions. Ce montant n’avait pas été revalorisé depuis 2009.
Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a la possibilité de confier des missions aux fonctionnaires A+ déchargés de fonction ou dont l’emploi a été supprimé, en vue de faciliter leur rebond. Pour ces missions, qui peuvent être réalisées auprès d’employeurs publics ou privés, les agents concernés toucheront à partir de mai 2025 un régime indemnitaire (RI) de 600 euros par mois (calculé au prorata des jours travaillés) en plus de la rémunération afférente à leur grade.
« Nous n’avons pas eu de remarque particulière des employeurs sur cette augmentation, qui est de toutes façons largement justifiée au regard du profil des agents concernés et de l’absence de revalorisations pendant 16 ans », indique Belkacem Mehaddi, nouveau directeur général adjoint du CNFPT et directeur de l’INET. Si le CNFPT prend en charge le versement du traitement, il revient à l’organisme d’accueil de rembourser les sommes versées au titre du RI et les charges patronales afférentes.
L’administration, l’établissement ou l’entreprise doit également payer les frais de déplacement (transport, restauration, hébergement) nécessaires à l’exécution de la mission, dont la durée est de trois mois, renouvelable une fois. En 2023, un conventionnement avec deux organisations a été réalisé pour deux missions de 6 mois.
La convention-type a également été revue par le CNFPT afin de clarifier le cadre dans lequel ces missions doivent s’effectuer. L’occasion d’intégrer une procédure relative aux demandes de télétravail et de repréciser tous les frais à la charge de l’organisme d’accueil. L’accompagnement du CNFPT s’exerce auprès des cadres dirigeants momentanément privés d’emploi, des agents en surnombre et des agents en mobilité subie.« Entre fin 2020 et fin 2023, tous statuts confondus, 93 agents ont été accompagnés avec un taux de rebond de 78 % », précise Belkacem Mehaddi.
POUR ALLER PLUS LOIN
Si la plupart du temps les services de police municipale disposent de véhicules sérigraphiés conformément aux textes, pour certains agents, cela reste plus compliqué. Il peut en être ainsi soit parce que la collectivité a décidé d'équiper son service de police municipale d'un nouveau type de véhicule qu’elle n’a pas (correctement) sérigraphié, soit parce que le véhicule n'est pas nécessairement destiné uniquement à être utilisé par l'agent de police municipale. Cela interroge également sur le statut des personnes autorisées à les conduire. Plusieurs décisions intervenues récemment sont l’occasion de faire le point sur la question avec notre juriste, Géraldine Bovi-Hosy.
Dans une première affaire concernant un agent seul dans sa collectivité, il était question d’un véhicule qui était partagé avec d’autres services de la commune. De ce fait, ce véhicule n’était pas sérigraphié conformément à l’arrêté [8] du 5 mai 2014 relatif à la signalisation des véhicules des services de police municipale. La commune invoquait le fait que ce véhicule ne servait pas qu’à l’agent de police municipale et qu’il ne pouvait de ce fait être sérigraphié.
Une union syndicale professionnelle a demandé à la commune de régulariser la situation mais elle n’a pas daigné répondre. Le tribunal administratif a été saisi de cette décision implicite de rejet et a donné raison à la commune. Un appel a été interjeté et la Cour administrative d’appel, fin 2024, n’a pas adopté la même position (CAA Bordeaux 26 novembre 2024 [9], 23BX00351).
Selon elle, le fait que le véhicule serait partagé avec d’autres services est dépourvu d’incidence sur l’obligation de se conformer à la réglementation concernant la sérigraphie des véhicules. Le maire de la commune doit procéder à la mise en conformité du véhicule dès lors que celui-ci est considéré comme affecté au service de police municipale.
L’affectation du véhicule au service de police municipale est donc un élément essentiel rendant obligatoire sa sérigraphie.
Il arrive encore que des agents de police municipale ne disposent pas d’un véhicule dédié au service. Dans l’hypothèse où ils ont besoin d’un véhicule pour effectuer un déplacement, ils peuvent emprunter ponctuellement un véhicule d’un autre service comme les services techniques mais non sérigraphié. Dans ces conditions, il est hors de question qu’ils effectuent des patrouilles en tant qu’agents de police municipale.
Mais dès lors qu’un véhicule est affecté à un service de police municipale, il doit être sérigraphié. C’est également ce que prévoit une seconde décision intervenue également fin 2024.
Dans cette affaire, il s’agit d’un bus qui a été aménagé en poste mobile pour le service de police municipale. A cette occasion, il a d’ailleurs fait l’objet d’une demande d’autorisation de déclassement de la catégorie M3 (véhicule de transport de personnes) dans la catégorie N3 (VASP – véhicule spécialisé) (voir le formulaire [10] de demande).
Dès lors, les dispositions de l’article 4 de l’arrêté [8] du 5 mai 2014 relatif à la signalisation des véhicules de service des agents de police municipale s’appliquent à ce bus, qui est un véhicule de police municipale (TA Lille, 3 décembre 2024, n° 2204014).
Un autre point était également soulevé par le requérant : ce bus aménagé en poste mobile était conduit par un ASVP (peut-être le seul titulaire du permis adéquat…). Or dès lorsqu’il est affecté au service des agents de police municipale, un véhicule ne peut être conduit que par un agent de la police municipale (voir notre article [11] de 2012).
En conclusion, le tribunal administratif enjoint le maire de mettre en conformité la sérigraphie présente sur le bus dans un délai de 2 mois.
Si les agents de police municipale disposent de textes sur la sérigraphie des véhicules depuis 2005 (un décret de 2005 préexistait à l’arrêté de 2014), c’est un arrêté [12] du 22 août 2023 qui fixe les caractéristiques des tenues et de la sérigraphie des véhicules pour les gardes champêtres.
Ainsi, les véhicules terrestres des services de police de gardes champêtres sont de couleur blanche, leur signalisation est à dominante verte, ponctuée d’éléments de couleur rouge. Les éléments techniques sont fixés pour les véhicules à moteur à deux roues, les véhicules à moteur légers et les utilitaires.
Les inscriptions « Garde champêtre » et « Police rurale » figurent sur le véhicule.
On rappellera que les véhicules des gardes champêtres [13] ne sont pas des véhicules d’intérêt général prioritaires. Ainsi, ils ne peuvent disposer des attributs de tels véhicules (feux spéciaux tournants ou rampe spéciale de signalisation – article R. 313-27 [14] du code de la route).
Il existe désormais plusieurs modalités de mutualisation en matière de police municipale : des polices pluricommunales avec mutualisation et mise à disposition d’agents employés par plusieurs communes, des polices intercommunales avec des agents recrutés par un EPCI (communautés de communes, d’agglomération ou métropoles) et même des polices créées par des syndicats de communes (depuis la loi Sécurité Globale de 2021).
Cependant, le texte en matière de sérigraphie des véhicules n’a pas évolué depuis 2014. Donc la mention « police municipale » est obligatoire même si la police est intercommunale. C’est ce qu’a rappelé le tribunal administratif de Nantes en décembre 2023. Il avait été saisi par la même union syndicale professionnelle que dans les autres affaires commentées, parce que la présidente de Nantes Métropole avait refusé de retirer la mention « police métropolitaine des transports en commun » sur les véhicules dévolus à cette mission. Il est enjoint à la métropole de rectifier les sérigraphies pour les mettre en conformité avec l’arrêté de 2014 (TA Nantes, 27 décembre 2023, n° 2105104).
POUR ALLER PLUS LOIN
Enseignant-chercheur à l’université de Laval au Québec, Steve Jacob est spécialiste de l’évaluation des politiques publiques à l’ère de l’intelligence artificielle. Il décrit les impacts à venir de la technologie dans cette démarche.
Je distingue trois temps de l’IA. Nous en sommes actuellement au premier, celui de l’évaluation augmentée par une IA générative qui contribue à la rédaction de rapports.
Dans l’étape suivante, l’IA pourrait être intégrée dans les cycles des politiques publiques et favoriser des boucles de rétroaction raccourcies entre l’exploitation de données (nombreuses et aujourd’hui pas toujours utilisées) et la décision politique. Certaines organisations commencent déjà à y réfléchir.
Le troisième temps peut sembler le plus futuriste : ce serait celui des évaluations automatisées par l’IA dans des systèmes autonomes. Par exemple, il s’agirait d’identifier automatiquement les bénéficiaires d’une allocation et de la leur verser.
Un tel système d’IA permettrait de réajuster une politique publique en permanence, au fil du temps. On pourrait envisager dans quelques années que le système IA ait des objectifs à atteindre et soit autonome dans la fragmentation des tâches permettant de les réaliser. C’est ce que l’on appelle l’IA « agentique ».
Un tel mécanisme pourrait être opérationnel d’ici à 2050, voire bien plus tôt. Ce type de système peut faire peur. Mais cette évolution étant probable, il faut y réfléchir, même si je ne l’appelle pas de mes vœux.
Jusqu’ici, le développement des technologies reposait sur des outils fiables, donnant des résultats que l’on pouvait croire. Avec l’IA, il faut partir du principe que l’information peut être erronée, car elle repose sur une probabilité. L’humain restera donc essentiel pour comprendre les résultats et les accepter, ou pas.
La Banque mondiale a, par exemple, analysé 400 évaluations dans 60 pays par le biais de l’IA : l’outil a identifié des facteurs permettant de comprendre si un programme fonctionne. Les experts les ont jugés pertinents et ont reconnu qu’eux-mêmes ne les auraient pas envisagés. Néanmoins, il faut conserver cette capacité humaine à trancher.
Un autre enjeu majeur consiste à savoir si l’on est en mesure de comprendre comment on en est arrivé aux résultats fournis. Aux Etats-Unis, le gouvernement Accountability Office (qui évalue de manière non partisane les dépenses fédérales et leur performance pour le Congrès) a pour principe de ne pas utiliser un résultat qui n’est pas explicable, au risque, sinon, de perdre le contrôle sur le processus d’évaluation.
POUR ALLER PLUS LOIN
Différents thèmes ont animé la veille juridique la semaine du 21 au 25 avril. Récap' des derniers textes officiels traités, des dernières réponses ministérielles et de la jurisprudence récente.
Gros plan sur les textes et les auditions qui vont intéresser la semaine prochaine les collectivités, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Après des années de croissance soutenue depuis leur mise en place en 2018, les infractions pour outrage sexiste et sexuel sont, pour la première fois, en baisse en 2024. Des disparités géographiques importantes s’observent selon les départements : le fruit d’une meilleure connaissance du dispositif ?
Cela pourrait sonner comme une bonne nouvelle. Pour la première fois depuis la création de l’infraction pour outrage sexiste et sexuel, en 2018, les chiffres enregistrés par les commissariats de police et de gendarmerie sont en baisse (- 5 %). Une inversion de tendance notable après une progression moyenne de 67 % par an.
Mais, hélas, cette manifestation des violences que subissent les femmes (victimes dans 9 cas sur 10) dans l’espace public « ne donnent que très rarement lieu à un signalement auprès des forces de sécurité », selon le rapport du service statistique ministériel de la sécurité intérieure [40] (SSMSI). Plus précisément, l’enquête « Cadre de vie et sécurité » réalisée conjointement par l’Insee et le SSMSI révélait que, sur la période 2011-2018, uniquement 2 % des victimes d’injure sexiste portaient plainte.
C’est donc pour permettre de verbaliser immédiatement les propos et gestes à connotation sexuelle ou sexiste, le harcèlement de rue ou les comportements humiliants et intimidants dans l’espace public que la loi « Schiappa » [41], a créé ce dispositif en 2018. Résultat : 3 226 infractions pour outrage sexiste et sexuel ont été enregistrées en 2024. Si c’est bel et bien moins qu’en 2023 (3 395), la part des infractions qualifiées en tant que délit – et non contravention – a augmenté : 26,2 % des infractions en 2024, contre 21,5 % en 2023. Cette surqualification, effective depuis 2023, intervient dans les cas suivants :
A noter que ces délits touchent particulièrement les plus jeunes : près de 7 victimes sur 10 ont moins de 30 ans. Les mis en cause eux, sont plus âgés : 29 % d’entre eux sont âgés de 30 à 44 ans, 24 % de 45 à 59 ans (sur le périmètre de la police nationale, en 2024).
En 2024, dans le Loiret, les infractions rapportées à un taux pour 100 000 habitants dépassent Paris. Soit : 18 infractions / 100 000 hab. enregistrées dans le Loiret, six fois plus que la moyenne nationale.
Cette prédominance du Loiret avait déjà lieu en 2023. Interrogé à l’époque par « France 3 régions », Thierry Guiguet-Doron, directeur départemental de la sécurité publique dans le Loiret, s’étonnait avant tout « de la faiblesse des chiffres nationaux, quand on se doute que ce sont des faits fréquents. » Il ajoutait que la police nationale loirétaine avait aussi pu être davantage sensibilisée à ce sujet que celle des autres départements. Le Loiret ferait donc figure de territoire pionnier, une hypothèse qui suggère que d’autres départements pourraient voir leurs chiffres augmenter avec une meilleure appropriation du dispositif.
En 2024, sur 1 420 infractions (hors PV électroniques) qui ont été enregistrées ou élucidées par la police nationale, 15 % avaient lieu dans les transports en commun (métro, bus, tramway, train, autocar), soit 209 infractions.
Une proposition de loi émise en 2023 par l’actuel ministre des Transports, Philippe Tabarot, prévoit, en outre, une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports publics pour les auteurs récidivistes d’agressions, d’exhibitions ou de harcèlement sexuels. Adoptée par les deux chambres à la mi-mars, elle fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel [42], saisi les 24 et 27 mars derniers par des députés de gauche.
Dernière analyse qu’offre le rapport de la SSMSI sur les chiffres enregistrés par les policiers nationaux : la nationalité des mis en causes. Loin des fantasmes de l’extrême droite, qui imagine, sur les plateaux télé, le harcèlement de rue comme l’apanage d’étrangers, les données de 2024 dressent un bilan plus modéré. Environ 79 % des mis en causes sont de nationalité française pour les contraventions, 76 % lorsqu’il s’agit de délits.
CHIFFRES CLES
POUR ALLER PLUS LOIN
Départements, ministre et acteurs du grand âge et du handicap se sont retrouvés le 23 avril à Paris pour engager la généralisation du SPDA. Après sa préfiguration en 2024 dans 18 territoires, un cahier des charges doit encadrer la duplication de ce nouveau service public, en souplesse, et au plus près du terrain.
Pour Olivier Richefou, président de la Mayenne, le SPDA doit simplifier le « parcours du combattant » des personnes âgées et handicapées.
« Engagez-vous dans la démarche ! » L’invitation est adressée à tous les départements par Olivier Richefou, le président de la Mayenne. Au terme de la matinée de lancement du Service public départemental de l’autonomie (SDPA), le 23 avril à Paris, le président du groupe de travail « grand âge » aux Départements de France (DF) espère bien mobiliser.
« Cette démarche est coportée avec les agences régionales de santé (ARS) et confirme le rôle de chef de file du conseil départemental », se félicite déjà ce président d’un des départements préfigurateurs, dès 2024. « Et cet outil doit permettre de simplifier le parcours du combattant, que nous dénoncions tous, à la fois pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap » dans l’accès à leurs droits – sans entraîner pourtant de dépense nouvelle pour les collectivités.
Son enthousiasme semble d’ailleurs partagé, comme le remarque la ministre chargée de l’Autonomie, Charlotte Parmentier-Lecocq, à l’issue de l’événement. Il est vrai que l’un des grands principes du SPDA est « de faire pour, mais surtout avec les représentants des personnes » concernées.
En outre, il s’appuie sur les acteurs déjà mobilisés sur le terrain – des centres communaux d’action sociale (CCAS) aux maisons France service, en passant par la maison départementale de la personne handicapée (MDPH) ou les caisses de sécurité sociale.
Et si le cahier des charges qui doit être publié, par arrêté d’ici au 27 avril, gravera dans le marbre les objectifs de ce service public, « le “comment”, ce sera à chaque territoire de le construire », résume la ministre.
Au moins ce service public peut-il être déjà défini par la négative, comme le formule la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) : le SPDA n’est ni « un nouveau dispositif », ni « un guichet unique », ni « un modèle d’organisation et de fonctionnement imposé », ni « une remise en cause du périmètre des missions actuelles des acteurs ». « On ne change pas les compétences des acteurs, c’est la façon de travailler ensemble qui change », sourit Bénédicte Autier, sa directrice de l’accès aux droits.
En attendant la publication du cahier des charges, un courrier du 16 avril aux présidents de département et aux directeurs généraux d’ARS (voir ci-dessous) en précise déjà quelques orientations.
D’un département à l’autre, est-il déjà rappelé, l’essentiel est maintenant de construire le « socle commun » des « quatre grandes missions précisées par la loi » du 8 avril 2024 : l’accueil et l’information, l’instruction et l’évaluation des droits, le soutien à des parcours personnalisés, et le repérage et la prévention.
Une annexe souligne aussi l’impératif de la « participation des personnes » concernées dans cette construction, avant de suggérer plusieurs axes de travail prioritaires, tels que « la reconnaissance mutuelle des évaluations » des usagers.
Mais c’est avec la publication du cahier des charges que les novices pourront, enfin, lancer leurs propres chantiers – même si le SPDA est théoriquement déjà généralisé, au-delà des 18 départements préfigurateurs, depuis le 1er janvier.
Une première étape consistera pour eux à installer la « conférence territoriale de l’autonomie », réunissant les acteurs impliqués, prévue par la loi pour le bien-vieillir de 2024. Il s’agira alors d’« identifier les axes de travail prioritaires » pour le département, à décliner, ensuite, dans un programme annuel d’action, comme l’explique Bénédicte Autier, de la CNSA.
Parmi les préfigurateurs de 2024, le département de la Sarthe offre un exemple inspirant de ces mises en route : avec l’ARS des Pays de la Loire, il était convenu « d’intégrer tous les acteurs dès la réunion de lancement, puis de coconstruire avec eux un diagnostic partagé du territoire, afin d’identifier nos premiers axes de travail », témoigne Agnès Maillard, directrice de l’autonomie, invitée à l’événement. L’objectif était que « chacun prenne part » au travail : « L’ARS et le département n’allaient pas tout faire tout seuls ! »
Quant au Loir-et-Cher, il a pris le parti de nouer « ces partenariats dès le départ, en construisant ensemble la réponse à l’appel à manifestation d’intérêt », rend compte Hugues Gond, chargé de mission du département. « Cela a déjà permis de l’interconnaissance » – un impératif, manifestement, pour parvenir à la confiance et au décloisonnement.
Vice-présidente de Meurthe-et-Moselle en charge de l’autonomie, Catherine Boursier a pu présenter la construction finalement adoptée dans son département, en se basant sur les lieux d’accueil existant. D’une part, les six « services territoriaux autonomie » déjà proposés par sa collectivité, de Lunéville à Longwy, ont été désignés comme des lieux d’accueil « experts », dont la qualité de service devra être éprouvée par des « usagers testeurs ».
D’autre part, devrait être formé un réseau d’accueils « généralistes », volontaires et montés en compétences, sur la base des 31 CCAS, des 27 maisons France service, et des 31 maisons des solidarités du département.
Il restera alors à « bien articuler » les deux niveaux d’accueil, précise Catherine Boursier, qui espère éviter aux usagers de devoir répéter leurs informations d’un lieu à l’autre. « Il faut accepter que tout cela prenne du temps et que tout ne soit pas tout de suite parfait », conseille encore la vice-présidente. L’enthousiasme n’empêche pas l’endurance.
REFERENCES
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